The Notwist-Vertigo Days Live From Alien Center / Mowno
The Notwist, comme nous le confiait Markus Acher il y a quelques semaines (*), a pour habitude d’entrer en studio le cœur léger et ouvert à tous les possibles. Vertigo Days (2021), neuvième album construit autour d’improvisations et autres works in progress, voyait le groupe redéfinir le spectre de ses douces expérimentations et accoucher d’une œuvre monstre, intime et indéfinissable. Les featurings de Juana Molina, Ben Lamar Gay ou encore Saya (Tenniscoats, Spirit Fest) ont permis aux frères Acher et au fidèle Cico Beck – dont l’écoute du side-project Aloa Input devrait au passage être reconnue d’utilité publique – d’ouvrir leur fenêtre sur le monde et laisser, ainsi, pleinement entrer la lumière. Into Love Again, la relecture dantesque en fin de disque du (futur) classique Into Love / Stars accompagnée du brass band minimaliste japonais Zayaendo, est le premier exemple qui vient à l’esprit. L’épurée Night’s Too Dark, petite sœur timide et fragile de Loose Ends, pourrait également être citée. Comme tant d’autres, serait-on tenté d’ajouter (Where You Find Me ou Sans Soleil).
Vertigo Days-Live From Alien Research Center pourrait – enfin, si on a que ça à foutre – faire s’interroger sur la notion d’utilité. A quoi bon, en effet, enregistrer et filmer une version live, en studio et sans public, d’un album qui, deux ans après sa sortie, n’a pas encore révélé la totalité de ses surprises et trouvailles ? Interrogation existentielle que l’intro lunaire suivie du minéral Into Love / Stars et son incroyable crescendo dissiperont bien vite. Convaincu, il le dit lui-même, que ‘chaque chanson a sa propre vie‘ et que ‘la version que l’on retrouve sur disque n’est qu’un instantané pris sur le moment‘, Markus Acher voit en la scène un laboratoire idéal pour bidouiller, triturer et réinventer ses propres compositions. Pour la simple beauté du geste et sans rien attendre en retour. Faire et défaire sans but précis, à part peut-être s’approcher du sublime et redécouvrir le goût de la première fois. La démarche, noble et désintéressée, a un petit quelque chose de chevaleresque.
The Notwist ou l’illustration parfaite du ‘rien ne se perd, rien ne se créé, tout se transforme’ de Lavoisier. Revisité avec audace et imagination par une formation qui, tout en se connaissant par cœur, réussit encore à se surprendre, Vertigo Days s’affranchit, dans sa version live, de tout repère et frontière. Faisant la part belle aux instruments et, ce qui n’est pas tout à fait la même chose, aux musiciens, Live From Alien Research Center titille, en toute innocence, l’essence et les sens. Ship, Into The Ice Age et Oh Sweet Fire, véritables déclarations d’amour au vivre ensemble, ébranleront bien des certitudes en faisant cohabiter sous un même toit, et sans la moindre fâcherie, krautrock, psyché, folk et dream pop. La mélancolie n’aura jamais été aussi belle que sur Loose Ends, final apocalyptique mais néanmoins plein d’espoir, tout en retenue et émotion maîtrisées. Et que dire de cette voix, désespérément normale à défaut d’être normalement désespérante qui, sur un simple et susurré ‘welcome here again‘ (Into Love / Stars), fait naître le frisson ? Corne d’abondance aussi inutile qu’indispensable, Vertigo Days-Live From Alien Research Center et ses collages à la Burroughs célèbrent haut et fort le talent d’un groupe qui, même s’il ne le reconnaîtra jamais, n’a plus rien à prouver.