Protomartyr – Formal Growth In The Desert / Indiepprock
Le sixième album de Protomartyr, leçon de rock abrasif.
Quel que soit le style musical dans lequel on évolue, quand on arrive à un certain nombre d’albums se pose la question de l’évolution et du renouvellement, avec tous ses pièges. Protomartyr est depuis une bonne décennie la figure de proue du post-punk américain et n’échappe pas à la règle. Jusque-là, la bande menée par Joe Casey a sacrément bien mené son affaire, évoluant de leurs débuts échevelés vers davantage de tranchant et de précision sans jamais délaisser l’urgence. « Ultimate Success Today », leur cinquième album paru en 2020, avait toutefois marqué une unflexion. Un canevas sonore subtilement enrichi, des morceaux un peu plus dans l’emphase que dans le sprint.
La sortie aujurd’hui de « Formal Growth In The Desert », enregistré dans un studio texan, pas très loin du désert, justement, nous permet de dire qu' »Ultimate Success Today » n’était qu’un brouillon de là où Protomartyr voulait aller. Car sur ce sixième album, le groupe rebat ses cartes sans en délaisser une seule. A la base de la réussite majeure que constitue ce nouvel album, il y a quelques ingrédients : une batterie doublée sur la plupart des morceaux d’une batterie électronique qui offre à l’ensemble des morceaux un rythme frénétique, syncopé, en agitation permanente. Ajoutez un chanteur, Joe Casey, toujours avec son grain tabagique, son débit bavard et rageur, mais qui élargit un peu le spectre de ses capacités en passant un peu plus que d’habitude du parlé au chanté, en flirtant même avec le rappé sur Polacrilex Kid. Enfin, n’oubliez évidemment pas les guitares, qui plutôt que vous sauter à la gorge à la première note restent parfois presque tapies dans l’ombre pour mieux venir tout faire exploser en cours de morceau. Et le tout s’anime dans des morceaux qui ne s’étirent pas forcément sur de longues minutes, le plus long d’entre eux, Rain Garden, avoisinant à peine les cinq minutes, mais qui empruntent des dynamiques plus complexes, toujours sûrs de leur effet.
Tout cela fait de « Formal Growth In The Desert » une machine implacable, qui voit Joe Casey poser un regard forcément sombre sur notre société, ainsi que sur sa propre vie puisqu’il évoque aussi des moments personnels difficiles, comme la perte de sa mère, mais sans jamais sombrer dans l’aigreur inutile ou désabusée. Une machine dont il est difficile d’extirper un ou quelques morceaux en particulier, aucun titre ne déparant l’ensemble. Le final de Rain Garden, qui referme l’album, après une bifurcation en milieu de morceau, entre tension et beauté, est emblématique du tour de force que représente « Formal Growth In The Desert », qui a une bonne tête d’album de l’année.