PJ Harvey – I Inside The Old year Dying / Indiepoprock
Le retour de PJ Harvey avec un disque exigeant.
Dans le monde de la musique, il y a les artistes prolifiques et ceux qui se font rares. Depuis les années 2010, PJ Harvey appartient à la seconde catégorie. Cependant, dans son cas, ce n’est pas conmplètement un choix de carrière car, si sept ans ont passé entre la publication de « The Hope Six Demolition Project » et « I Inside The Old Year Dying » aujourd’hui, c’est avant tout le résultat d’une crise quasi-existentielle puisque, dans l’intervalle, PJ Harvey avoue n’avoir eu que peu d’appétence pour la musique et en avoir été la première désolée. Ce qui ne signifie pas qu’elle est restée inactive tout ce temps, évidemment, mais elle l’a plutôt consacré à la poésie, avec la publication de plusieurs recueils, dont le dernier, « Orlam », publié l’an dernier, est celui qui l’a petit à petit ramenée à la musique, justement.
Mais ce retour ne pouvait pas se faire simplement, entendre par là que PJ Harvey ne se voyait pas reprendre ses anciennes habitudes, si tant est d’ailleurs qu’elle en ait eu un jour, elle qui ne s’est jamais répétée, et « I Inside The Old Year Dying » devait être le résultat d’un nouveau processus créatif. Au coeur de cet album, il y a donc des textes poétiques inspirés de la mythologie et du dialecte du Dorset, là où elle est née et a grandi. Ce qui ne fait pas de cet album un retour aux sources mais le reflet de ce qui l’inspire à cette période de sa vie. Ensuite, PJ Harvey, comme tous les grands artistes intransigeants, a produit une oeuvre faite de moments forts, reflets de pics créatifs, et d’autres plus bruts et directs, reflets de moments où il fallait laisser sortir des choses sans fioritures. C’est à titre d’exemple ce qui sépare un album comme « Let England Shake », dans lequel PJ Harvey voyait grand pour illustrer le rapport qu’on pouvait entretenir à son pays, et « Uh Huh Her », beaucoup plus « sec » sur la forme et écrit à une période où PJ Harvey ne se sentait pas complètement comprise et après avoir vécu des moments difficiles sur le plan intime. Alors dans quelle catégorie allait tomber « I Inside The Old Year Dying » ? PJ Harvey étant d’une honnêteté absolue dans son travail, même si la difficulté à créer quelque chose de nouveau n’est pas le thème central de l’album, il était impossible qu’il n’imprègne pas l’album.
Pour l’auditeur, « I Inside The Old Year Dying » ne pouvait donc pas être un album facile d’accès. C’est même certainement le moins accessible des dix albums de PJ Harvey. A cet égard, lire ici et là, à peine le disque paru, que c’était un chef d’oeuvre ou au contraire un disque ennuyeux à mourir est exaspérant, sachant que dans un cas comme dans l’autre, il est illusoire de prétendre en faire le tour en une ou deux écoutes. Néanmoins, « I Inside The Old Year Dying », possède ses portes d’entrée. Si la volonté affichée de PJ Harvey, flanquée de ses fidèles collaborateurs John Parish et Flood, était de créer un climat sonore mouvant, fait d’instruments, de boucles et de sons captés dans la nature, les titres portés par une fibre doucement organique, avec de petits accords de guitare acoustique, mélodiquement délicats, retiennent les premiers l’attention. Lwonesome Tonight, I Inside The Old Year Dying, très court mais plus enlevé, I Inside The Old I Dying, A Child’s Question, July, A noiseless noise, qui renoue presque avec la fibre brute et orageuse de PJ Harvey, constituent ainsi les premiers « points d’ancrage » de l’album.
Ensuite, quand on y revient, on découvre que « I Inside The Old year Dying » est à la fois le reflet d’un moment et un nouveau pic créatif arraché de haute lutte. Car le climat sonore finit par devenir envoûtant et surtout révèle des trésors de trouvailles. A ce jeu, c’est certainement All Souls qui s’impose comme la pièce majeure de l’album. Sur ce morceau, on ne sait au départ pas exactement ce qu’on entend, sinon qu’il s’agit d’une boucle discrète et répétitive, sur laquelle va ensuite venir se greffer un accord de piano minimaliste. Deux fois rien mais un écrin parfait pour la voix de PJ Harvey qui va s’en servir pour faire naître un motif musical de toute beauté. La voix, justement, c’est un autre aspect auquel tenait PJ Harvey, qui voulait à tout prix s’éloigner du ton qu’on lui connaissait le plus communément. Une démarche qu’on lui avait déjà connue à l’époque de « White Chalk » où, en piano/voix, elle allait chercher des notes cristallines et fragiles inédites. Cette fois, à l’inverse, elle s’ingénie à explorer un registre plus « puissant », dès l’introductif et impressionnant Prayer At The Gate. Une puissance et gravité aussi à l’oeuvre sur le poétique et solennel August. Au final, « I Inside The Old Year Dying » reste et restera un album tout sauf fédérateur, réservé aux écoutes exclusives. Mais c’est bien un nouveau sommet dans la carrière de PJ Harvey, un album où elle s’est nourrie de ses doutes et interrogations pour se transcender totalement.