En Attendant Ana-Principia / Mowno
Au printemps 2018, Lost And Found, le très candide et spontané premier album d’En Attendant Ana, vient confirmer avec élégance les belles promesses entrevues deux ans plus tôt sur l’EP Songs From The Cave. Le nom du groupe devient, dès lors, synonyme d’excellence garage-pop made in France, et commence à circuler entre personnes de confiance, tel un bon tuyau échangé par des turfistes passionnés. Il parviendra même à traverser l’Atlantique et arriver jusqu’à Chicago, où le label tête chercheuse Trouble In Mind (The Limiñanas, Olden Yolk, Melenas) se propose d’accueillir – forcément à bras ouverts – le quintet à compter de Juillet (2020), deuxième livraison à l’éducation parfaite, enregistrée dans une urgence approximative qui lui confère beaucoup de charme. Même si un peu trop référencés à notre goût (on a connu pire reproche, cependant), les deux premiers LP d’En Attendant Ana n’ont absolument pas à rougir à côté de classiques estampillés C86, Sarah ou Cherry Red. Certains diront d’ailleurs qu’ils pourraient, sans trop de mal, se prêter à la comparaison. De mémoire d’ancien combattant, ça faisait un petit bout de temps que l’on avait pas vu une chose pareille.
Selon la légende, le (sacro-saint) troisième album, dit ‘de la maturité’, doit obligatoirement matérialiser le passage à l’âge adulte, créer la rupture et statuer plus ou moins définitivement de l’aura de ses auteurs. London Calling, The Queen Is Dead, Screamadelica ou encore OK Computer auront, parmi tant d’autres, fortement contribué à alimenter le mythe. ll sera difficile, même si on se l’était promis, d’éviter les clichés d’usage à l’heure d’évoquer Principia, tant les dix nouvelles créations d’En Attendant Ana respirent l’équilibre, la confiance et l’authenticité. Le groupe, récemment rejoint par son ancien ingénieur du son Vincent Hivert à la basse, a su se réorganiser pour mieux évoluer. Nul besoin, à présent, de l’accompagnement savant de Guillaume Siracusa (Special Friend), Alexis Fugain (Biche) ou du monument Dominique Blanc-Francard à la production/post production pour rassurer les troupes. Margaux Bouchaudon et le nouveau venu Vincent vont désormais prendre les choses en main, voler de leurs propres ailes et façonner, par petites touches successives, l’album qu’ils avaient envie d’enregistrer. Un disque où, sans rien demander à personne, chacun trouvera sa place avec intelligence.
Logiquement placé en tête de gondole, Principia, premier single à la précision chirurgicale, rappellera, sans la moindre nostalgie, la pop minutieuse et éthérée des regrettés Sundays et Electrelane. Ada, Mary, Diane viendra, dans la foulée, mettre subtilement en lumière tout ce qui fera aimer ce disque dans des proportions proches du déraisonnable : chant enjôleur et bien moins fragile qu’il n’y paraît, guitares carillonnantes, basse toute en rondeurs et mise en avant clairement assumée de cuivres délicats à la Pale Fountains/Belle And Sebastian. Se défaire des très catchy Black Morning et Same Old Story demandera ensuite bien des efforts mais n’empêchera en aucun cas de profiter pleinement des magnifiques envolées de Wonder, sommet incontestable et, très certainement, plus belle pièce d’orfèvrerie de ce début d’année. Rares sont les albums où tout fonctionne. Principia, que l’on aurait certes préféré légèrement moins poli, boxe indéniablement dans cette catégorie.