Baxter Dury-I Thought I Was Better Than You / Mowno
À chacun sa croix et sa façon de la porter. Depuis le début de sa carrière il y a un peu plus de vingt ans, Baxter Dury n’a pas eu d’autre choix que de composer, tant bien que mal et avec les moyens du bord, avec l’envahissant fantôme d’un père qui, paradoxalement, n’a jamais été aussi présent dans la vie de son rejeton que depuis sa mort en 2000. Même si, bien évidemment, le fait d’être bien né procure bon nombre d’avantages, le statut – sans cesse rappelé – de ‘fils de’ occulte trop souvent le reste et oblige à l’excellence, voire à l’exemplarité, pour gagner respect, crédibilité et légitimité. Il condamne également, dans l’imaginaire collectif, l’héritier à reprendre le flambeau, faire ce que l’on attend de lui et assurer le service après vente. Le monde est ainsi fait, que voulez-vous.
Le problème, dans le cas présent, c’est que Baxter n’a pas choisi d’être le fils de Ian. Il n’avait que cinq ans quand l’hymne Sex And Drugs And Rock’n’Roll est devenu le cri de ralliement de toute une génération (autoproclamée sans avenir) et seulement quelques mois de plus au moment de poser avec le daron sur la pochette de New Boots And Panties!!. Plutôt que de subir cette figure paternelle omniprésente, le ‘fils de à bon marché’ – comme il se plaît lui-même à s’auto-caricaturer – a décidé, une fois adulte, de faire avec. Sur I Thought I Was Better Than You, son nouvel album, le nepo-baby franchit un palier supplémentaire et assume désormais pleinement le poids de la filiation et de l’héritage. Avec courage, panache et humour.
Confession intime mais publique, oscillant en permanence entre exhibition et pudeur, I Thought I Was Better Than You peut se voir comme le prolongement logique ou la bande son idéale de Chaise Longue, autobiographie douce-amère écrite pendant le confinement. Comme dans ses mémoires, Baxter Dury y règle ses comptes, sans pour autant cracher dans la soupe, avec son enfance, sa famille et un monde dans lequel il se sent à peu près aussi à l’aise qu’un unijambiste dans un concours de coups de pied au cul. Ici, finalement, et comme souvent dans son œuvre, la musique importe peu. Elle ne semble être qu’un prétexte, un moyen plutôt qu’une fin. Le propos est tout autre. Un psy aurait d’ailleurs très certainement beaucoup plus à dire de ce septième album qu’un simple chroniqueur.
Succession de petites vignettes aussi drôles que chaotiques (Aylesbury Boy, Leon ou encore Pale White Nissan), I Thought I Was Better Than You voit Baxter Dury affronter ses vieux démons à bras-le-corps et prendre enfin ouvertement position, à grand renfort de punchlines imparables, entre l’être et le paraître. Par le passé, le dandy londonien, un peu paumé dans un personnage de loser magnifique trop grand pour lui, cabotinait pour mieux se cacher. Aujourd’hui, c’est pour mieux se dévoiler qu’il parade et fait le paon. Sûr de son fait et fort en gueule (le contraire aurait été étonnant), Dury et son nouveau phrasé proche du hip-hop vient, l’air de rien, et avec un cœur énorme, de donner naissance à son disque le plus personnel à ce jour. On imagine aisément ce que la démarche a dû lui coûter. Rien que pour cela, ITIWBTY et son auteur méritent le plus grand des respects.