Yves Tumor – Praise A Lord Who Chews But Which Does Not Consume – Indiepoprock.fr
Le nouvel album d'Yves Tumor confirme l'avènement d'un nouveau sorcier de la production efficace.
La sortie de « Heaven To A tortured Mind » en 2020 avait consacré l’entrée d’Yves Tumor dans le monde d’une pop plus directe après des débuts expérimentaux. Mais, avouons-le, c’était aussi un album qui faisait du bien à écouter dans le contexte de sa publication puisque celui-ci est paru en plein confinement. Et, avec son côté extravagant, extraverti, hyper-vitaminé, un peu trop tout, avec une production clinquante, avec textures electro en fond, grosses guitares ronflantes et vocaux en featurings venus tout droit du r’n’b, cet album était un vrai plaisir de compensation pour tout ce qui ne nous était pas permis à l’époque. Pour autant, même à posteriori, même si on peut considérer qu’Yves Tumor s’était donné les moyens de devenir une grosse machine efficace avec l’ambition avouée d’écrire des tubes, ce disque n’est pas de ceux qu’on renie. Car « Heaven To A Tortured Mind », reste l’album d’un érudit doué plutôt habile pour faire cohabiter des sonorités qui se regardent souvent en chiens de faïence.
Aujourd’hui, « Praise A Lord… » vient confirmer qu’on a eu raison de ne pas rester bloqués derrière les barrières du bon goût et d’accepter Yves Tumor tout entier, avec ses outrances et ses ambitions commerciales assumées. Côté production, ça tape fort, avec un mur du son impressionnant où se croisent guitares sorties tout droit du hard-fm (Meteora Blues), batterie survoltée (Heaven Surrounds Us Like A Hood), des synthés et des cordes (Ebony Eye), et plus encore. Alors des esprits chagrins diront que de tels moyens mis en oeuvre à la production ne peuvent pas laisser de place à l’émotion ou à une véritable incarnation. Or, précisément, s’il est un aspect sur lequel Yves Tumor a encore franchi un cap, c’est dans celui de l’écriture.
Ainsi, au-delà de son côté rutilant, « Praise A Lord… » est un album dans lequel pop psyché, soul, rock et r’n’b s’entrelacent sans que domine un sentiment de trop plein, ce qui n’est pas un mince exploit. Après un début haletant et sexuel à souhait sur God Is A Circle, rythmé par un sample de gémissements en pleins ébats, Lovely Sewer enchaîne avec une dynamique pop impeccable, parfaitement portée par la voix féminine invitée. Plus loin, avec Parody, Yves Tumor offre une respiration avec une ballade psyché réhaussée d’effets épiques, Operator repart de plus belle avec une dynamique qui enfle encore et encore, et la fin d’album alterne entre petite bombe pop (Echolalia), groove impeccable (Fear Evil Like Fire) et final en feu d’artifice (Ebony Eye). C’est bien simple, « Praise A Lord… » contient tous les éléments pour fair fuir au départ un fan de pop indé pour finir par le prendre dans ses filets et ne plus le lâcher. C’est ce qu’on appelle le brio.
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