The Limiñanas-Electrified / Mowno
Autant être clair dès le départ : on aime aimer les Limiñanas. Inconditionnellement et sans concession. Les aimer tout d’abord pour ce qu’ils ont à offrir : un psyché-rock unique, entraînant et plein d’humour, qui fleure bon la fin des sixties, l’âge d’or du fuzz et du yéyé. Les aimer ensuite pour ce qu’ils sont: les catalans ont su rester simples et intègres là où tant d’autres se seraient perdus en route, entre hype et concerts de louanges. Les aimer enfin pour leur histoire. Lionel et Marie le répètent à l’envi : ils n’ont jamais eu d’ambition particulière pour les ‘Limi’. Tout ce qui leur est arrivé depuis 2009 et la mise en ligne de leurs premiers morceaux sur MySpace ‘n’était pas vraiment prévu’. Les Limiñanas savent d’où ils viennent et, surtout, ne l’oublient pas. L’humilité et la modestie érigés comme art de vivre. L’attitude, touchante, impose le respect. Rarement succès et reconnaissance n’auront été autant mérités.
Electrified, dont la pochette fait malicieusement écho au Boom des Sonics, est le premier best of du duo. Conçu sur le modèle classique des compilations des années 60/70, le disque déroule tout d’abord, et par ordre chronologique, la quasi-totalité des singles du groupe. Les 45 tours enregistrés pour les labels américains HoZac Records et Trouble In Mind, écrits à une période où le couple envisageait sérieusement de se ranger des bagnoles, ouvrent naturellement le bal. La recette de cuisine ensoleillée de Migas 2000 met d’entrée l’auditeur en appétit. Le décalé et jubilatoire Je ne suis pas très drogue lui fera, peu de temps après, esquisser le premier d’une longue série de sourires. Le ton est donné. Les classiques peuvent s’enchaîner les uns après les autres sous le haut patronage spirituel et drolatique du triumvirat Serge Gainsbourg-Jacques Dutronc-Boris Vian (Je Suis une Gogo Girl, Votre Côté Yéyé m’Emmerde).
Dans leur plus simple expression guitare-batterie-farfisa, les perpignanais et leur talk-over désabusé réussissent à rendre supportable un quotidien morose où se croisent saumons de la Baltique (Prisunic), jogging de mousseline rose acheté chez Babou (La Fille De La Ligne 15) et autres glacières de compétition (El Beach). Accompagnés de Peter Hook (Garden Of Love ou encore The Gift, que l’on jurerait échappé de Get Ready), Bertrand Belin (l’addictif Dimanche) ou Anton Newcombe (Istanbul Is Sleepy), ils parviennent même à le transcender, pour ne pas dire le sublimer. On ne s’attardera pas trop, en revanche, et malgré toute la tendresse qu’ils nous inspirent, sur Etienne Daho et son anglais de lycéen (One Blood Circle) ou Areski Belkacem, Monsieur Brigitte Fontaine, sur l’inévitable inédit qui aurait probablement beaucoup gagné à le rester (La Musique, déclaration d’amour un poil caricaturale). Symboliquement, le triple vinyle orange finit par là où tout a commencé en consacrant une face entière aux Bellas, version beta de ce que deviendront les Limiñanas quelques années plus tard.
Les trente-cinq morceaux d’Electrified sont autant d’histoires, sketchs et saynètes qui parleront à chacun d’entre nous. Nos vies sont faites de petits riens anodins qui, bout à bout, forment un grand tout. Lionel et Marie Limiñana l’ont bien compris. Preuve en est, il en ont composé la bande son.