Sylvie-Sylvie / Mowno
L’histoire est belle. Un fils retrouve un jour, dans le garage familial, un trésor que l’on croyait perdu ou oublié. Une simple boite contenant de vieux enregistrements de 1975 de Mad Anthony, le groupe formé par son père John, dont la popularité n’a malheureusement jamais dépassé le cercle des amis ou les limites du comté de Santa Barbara. Le rejeton s’approprie rapidement les cassettes, qu’il surnomme avec affection ‘Sylvies’. Il en fera, quelque temps plus tard, l’unique source d’inspiration de l’œuvre (très) personnelle évoquée aujourd’hui. Freud aurait certainement beaucoup de choses à dire là -dessus mais, bon, ce n’est pas le sujet. Le fils s’appelle Ben. Ben Schwab. Jusqu’à sa collaboration avec Drugdealer sur le très beau Raw Honey en 2019, son nom nous était inconnu. Le délicat et suranné Sylvie, jolie surprise de ce début d’automne, nous fera désormais nous en souvenir et, par la même occasion, ne pas trop oublier celui de son paternel.
Décrire l’épure, la chose simple, n’est jamais évident. Sylvie ne déroge pas à la règle. Plus complexe dans ses intentions qu’il n’y paraît, le court album peut à la fois se concevoir comme un hommage, exercice de style ou journal intime. Voire, pour les mauvaises langues, une photographie mille fois vue et revue du San Francisco du Summer Of Love ou du Los Angeles de Laurel Canyon. Impossible de dire également si Ben Schwab a voulu tuer le père ou, au contraire, lui offrir la postérité. Lui-même l’ignore peut-être et certaines questions ont plus de valeur que leurs réponses. Après tout, commençons par régler notre propre Œdipe avant de théoriser sur celui des autres.
Même si artisanale et sans grande prétention, la pop-folk hors du temps de Sylvie s’apparente au sublime et frôle parfois le divin. Les déchirantes balades Falls On Me et Further Down The Road en sont la plus belle illustration. Sur ces deux morceaux, le chant de Marina Allen, fragile comme autrefois celui de Karen Carpenter, fait frissonner à l’unisson corps et cœur. Le crooner néo-folk Sam Burton, à qui un très bel avenir semble promis, apporte un supplément d’âme à l’easy-listening sensible de Sylvie et Stealing Time. Rosaline – interprétée par le père – et la subtile déambulation Shooting Star rappelleront, sans que ce soit pour autant nécessaire, que bon sang ne saurait mentir (ou, selon les préférences de chacun, que les chats ne font pas des chiens). Réussite individuelle, collective et familiale, Sylvie ensoleillera notre fin d’année et résistera, avec un petit peu de chance, à l’épreuve du temps.
#Sylvie #BenSchwab