Forever Pavot-L’Idiophone / Mowno
‘Il n’y avait plus de Danette au supermarché‘. Une information claire, nette et précise mais globalement sans intérêt. Banale et, somme toute, inutile. ‘J’arrive au Super U – tu sais, l’ancien Unico sur la route de Guidel – et, là, sérieux, tu sais pas quoi ? Plus de Danette. J’étais fou‘. Une histoire intime, dramatique et poignante. Une tragédie du quotidien qui fera naître l’empathie, que l’on aime la crème dessert ou non, et tiendra en haleine jusqu’au twist ou happy ending final. Peu importe ce que les gens ont à raconter, à bien y réfléchir, la seule chose qui compte réellement, c’est la façon dont ils le racontent. L’auditoire se nourrit du talent du narrateur, de sa faculté à trouver le bon mot au bon moment. A ponctuer son récit de silences, de changements de rythme et autres rebondissements pour capter l’attention, susciter l’intérêt et titiller l’imaginaire. Emile Sornin le sait. Il ne sait d’ailleurs que ça, comme l’a prouvé l’inclassable La Pantoufle (2017), concept album (ou presque) consacré à la recherche effrénée d’une charentaise égarée ou trop bien rangée. L’aventurier du chausson perdu maîtrise l’art du conte et de l’anecdote comme personne. C’est un fait. L’Idiophone, le troisième long format de Forever Pavot, prend plaisir à le rappeler. En Cinémascope et Technicolor.
Après un premier LP psyché-pop plus que réussi (l’halluciné Rhapsode, 2014), l’ancien étudiant en cinéma a su entreprendre son auto-révolution de palais et réinventer son petit monde. Ou, comme on le dirait sur Linkedin, se challenger, changer de paradigme et oser le disruptif. Coup de tête, pleine confiance ou inconscience totale, on ne saura jamais. Et, au final, ce n’est pas très grave. Quoi qu’il en soit, La Pantoufle, merveille baroque et surréaliste, a su révéler un compositeur amoureux des mots et des arrangements précieux. Un homme qui a trouvé sa voie. Et, très certainement, depuis qu’il écrit et chante en français, sa voix (postulat qui, au passage, vaut également pour Thousand et Orval Carlos Sibelius).
Subtil, drôle et décalé, L’Idiophone s’inscrit, sans jamais paraphraser, dans la droite lignée de son burlesque prédécesseur. Réalisé à huit mains avec de vieux copains de régiment (dont Samy Osta, connu pour ses collaborations avec Juniore et Feu! Chatterton), l’onirique nouvel album de Forever Pavot séduit et impressionne. Dans La Voiture rappellera, sur fond de bruitages cartoonesques, la mythique course-poursuite en bagnole de Bullitt (mais au volant de la camionnette de Louis La Brocante). La maîtrise du storytelling, le soin apporté au choix des mots et la richesse des orchestrations de Au Diable, La Mer à Boire ou encore L’Idiophone du Moyen-Âge, laisseront, il faut bien l’avouer, un peu sur le cul. Les Informations et son caricatural générique de JT des années 70 / 80, sommet d’absurde et second degré, feront fredonner d’improbables ‘Téléthon, Show-Business, Xavier Dupont de Ligonnès’ sous la douche (ou ailleurs). Plus que des chansons, ce sont des histoires dont nous sommes les héros, un peu comme dans ces bouquins que l’on lisait gamin, que nous offre aujourd’hui le charentais d’origine. Merci, Émile, de réveiller ainsi notre imagination. Quel joli début d’année.