Drugdealer-Hiding In Plain Sight / Mowno
Michael Collins ou une certaine idée de la Californie. Celle de Ginsberg et de la Beat Generation. De Laurel Canyon et Haight-Ashbury. Du flower power et des manifestations contre le Vietnam. Des cheveux longs, chemises à jabot et pattes d’éléphant. Dans l’être et le paraître, le leader de Drugdealer rappelle – parfois même un peu trop – les Dean Moriarty, Jack Duluoz, Japhy Ryder et autres Clochards Célestes, non pas bigger, mais hippier than life des romans de Kerouac. De l’Amérique traversée en train aux rencontres fortuites qui ouvrent le champ des possibles et changent le cours d’une existence, tout, absolument tout, dans le chemin de vie de l’angeleno d’adoption semble calqué sur celui des héros de Sur La Route ou Big Sur. A la simple différence que lui n’est pas poète, écrivain ou troubadour, mais musicien. Un vrai qui, dévoré par ce mal insidieux qu’est l’absence de confiance en soi, a bien failli ne jamais sortir son troisième album, Hiding In Plain Sight. Quel dommage ça aurait été, sans déconner.
Le nouveau long format de Drugdealer obligera forcément à parler de ses prédécesseurs. Nous le ferons du bout des lèvres et en traînant la patte, tant l’idée d’évoquer – ou pire, faire découvrir – la psyché-pop élégiaque et majestueuse de The End Of Comedy (2016) et Raw Honey (2019) revient à dévoiler en partie son jardin secret. L’altruisme a ses limites et l’égoïsme assumé, quelquefois de bonnes raisons d’exister. Il y a des choses beaucoup trop précieuses pour quitter la sphère de l’intime, c’est aussi simple que cela. Ces deux premiers albums, magnifiés par la présence de guests comme Weyes Blood ou Ariel Pink, sont de ceux que l’on aurait aimé garder au plus proche du cœur et ne jamais avoir à partager, un peu comme une petite amie trop belle pour être présentée à un monde extérieur qui ne la mérite pas. La même chose pourrait d’ailleurs se dire, au passage, du tout récent Sylvie (lire la chronique ici), projet mené de main de maître par Ben Schwab, fidèle collaborateur de Collins. Fin de la parenthèse.
Sans jamais trop s’éloigner du psychédélisme vintage des débuts, Drugdealer lorgne désormais un autre versant des seventies en agrémentant son élégante garde-robe pop de légers oripeaux soul / funk (le collégial Posse Cut). Sur les conseils de la pionnière Annette Peacock, Collins chante à présent trois demi-tons plus haut et parvient ainsi à transcender, avec une assurance insoupçonnée, Madison, Valentine et, surtout, le sommet Someone To Love, modèle de groove et d’arrangements somptueux. Le final de New Fascination fera regretter d’avoir autant craché, pendant toutes ces années, sur le saxophone. Sur Baby et Pictures Of You, Tim Presley (White Fence) et Kate Bollinger apportent classe et délicatesse à des ballades qui, par leurs orchestrations parfaites, se suffisaient déjà à elles-mêmes. Les superlatifs venant à manquer, il faudra se contenter d’un mot, un seul, pour résumer Hiding In Plain Sight: SUBLIME.